Témoignage du cardinal Panafieu

Publié le par CERCLE SAINT-PIERRE

Témoignage du cardinal Panafieu

Témoignage du cardinal Panafieu – Le conclave, une expérience spirituelle.

À l’issue du conclave, en avril 2005, le cardinal Panafieu (archevêque de Marseille de 1995 à 2006) avait raconté ses journées romaines aux diocésains.

Ce dimanche 17 avril, entre deux orages, je célèbre l’Eucharistie dans ma paroisse romaine de Saint Grégoire Barbarigo. En effet, est affectée à chaque cardinal une paroisse de Rome, ce qui justifie le fait que nous soyons électeurs de l’évêque de Rome, successeur de Pierre. Cette paroisse se situe dans le quartier de Tre Fontane, paroisse érigée en 1960 dans un secteur plutôt résidentiel mais où, par une délicatesse de la Providence, se trouvent l’abbaye Saint-Paul, édifiée à l’endroit présumé de la mort de Paul, et la maison généralice des Petites Sœurs de Jésus que les Marseillais et les Aixois connaissent bien par leur présence évangélique au Tibet et à Marseille.

A 17 heures, je fais mes valises et je quitte Séminaire français pour la Maison Sainte-Marthe… La Cité du Vatican se vide. Mes accompagnateurs ne peuvent entrer dans Sainte-Marthe. Une police sévère veille sur les entrées et sorties. Ma chambre, la 508, est close. On lève les scellés et je rentre dans un duplex agréable, mais dont les volets doivent rester inexorablement clos. Nous sommes voués à travailler à la lumière électrique. À côté de moi, un cardinal chilien. En face, un espagnol. Plus loin, un ivoirien. A 20 heures, nous sommes tous présents pour nous préparer à l’ouverture du conclave qui aura lieu le lendemain. Quand on est cardinal, il n’est pas bon d’être claustrophobe !

J’ai pris quelques livres pour accompagner ma prière et ma réflexion : le De consideratione ou saint Bernard apostrophe sans ménagement son ancien moine Eugène devenu pape, et l’Histoire de la Papauté de Yves Marie Hilaire.

« Il s’agit d’une véritable célébration… »

Lundi matin, c’est la célébration eucharistique à Saint-Pierre : le peuple de Rome et, sans doute beaucoup de touristes ont répondu à l’appel du cardinal-doyen et sont venus en foule accompagner de leurs prières les cardinaux électeurs. Le rite romain se déploie avec sobriété et grandeur comme un avant-goût de la liturgie céleste… ce qui ne nous fait pas perdre de vue que nous sommes des hommes au pas lourd et hésitant, et que nous avons besoin du souffle de l’Esprit pour discerner celui qui est déjà élu dans le cœur de Dieu.

L’après-midi, dans une longue procession depuis la chapelle des Bénédictions, nous entrons dans la chapelle Sixtine au chant des litanies des saints. Puis nous demandons à l’Esprit sa lumière dans le Veni Creator.

Il est 16h30. Les visages sont marqués par la gravite de la responsabilité. Le temps n’est pas à s’émerveiller devant les fresques de Michel Ange, mais bien plutôt à entrer dans ce grand silence du dedans dont parlait Élisabeth de la Trinite, de se laisser saisir par l’Esprit du Seigneur comme en une nouvelle Pentecôte. Après l’appel, chaque cardinal prête serment sur le livre de la Parole de Dieu. Après quoi commence le vote. Il ne s’agit pas, comme tout bon républicain, de déposer son bulletin dans l’urne avec l’espoir de voir son favori l’emporter. Il s’agit d’une véritable célébration qui explique que nous soyons en habit liturgique et que nous déposions nos bulletins sur une patène pour la glisser ensuite dans une sorte de grand calice, en disant que nous considérons que celui que nous choisissons est capable de répondre à la charge qui lui serait éventuellement confiée.

Ce vote des 115 électeurs se fait dans le plus grand silence. Je regarde les cardinaux qui sont en face de moi, un hollandais, un italien, un américain du Nord, un autrichien, un africain… Tous sont plongés dans la prière. Tous ont conscience de vivre une heure décisive de la vie de l’Église catholique.

Il s’appellera Benoît XVI…

Ainsi s’égrainent les heures, Gravité et paix intérieure, jusqu’au moment où l’un des cardinaux dépasse les deux tiers des voix. Alors éclatent les applaudissements. Tous les autres se lèvent et se tournent vers lui pour qu’en cet instant, l’élu se sente conforté dans son acceptation.

Je regarde celui qui était encore il y a un instant le cardinal Joseph Ratzinger. Il est serein. Il répond avec conviction à la demande d’acceptation : il s’appellera Benoit XVI. Benoit, le béni de Dieu celui qui apporte la paix et la réconciliation.

Le dernier pape qui ait pris le nom de Benoit a été en charge de 1914 à 1922. Il a vécu la Première Guerre mondiale comme un drame qu’il a tenté désespérément de stopper à plusieurs reprises, mais sans succès. Son attitude n’a pas toujours été comprise, notamment en France où on le considérait comme trop enclin à soutenir l’Allemagne, alors qu’il ne voulait que la paix entre des peuples qui se battaient les uns et les autres avec le sentiment de défendre la civilisation. Il évoquait en 1915 l’horrible boucherie qui déshonore l’Europe, le suicide de l’Europe civilisée

Bernard Panafieu

Sources : Diocèse de Marseille

Publié dans Le Diocèse

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