Intelligence artificielle

Publié le par CERCLE SAINT-PIERRE

Intelligence artificielle : pour garder le « magistère de la parole », l’Église de France s’empare de l’IA

Alors que se tient à Paris le Sommet sur l’intelligence artificielle, l’Église de France réfléchit à créer son propre modèle d’IA. En jeu, sa capacité à exister dans l’espace public et à continuer de faire entendre une parole fiable.

Gonzague de Pontac, le 11/02/2025

L’Église catholique doit-elle s’emparer de l’intelligence artificielle (IA) ? En plein Sommet sur l’intelligence artificielle à Paris, des catholiques s’interrogent sur l’attitude à adopter vis-à-vis de ces technologies nouvelles aux perspectives spectaculaires. « L’Église peut-elle ne pas s’en emparer ? », corrige Antoine Couret, pour qui l’IA est de toute façon devenue incontournable – en France, une grande partie des jeunes l’utilisent régulièrement d’après plusieurs études. C’est pourquoi le fondateur de la start-up Allonia participe à un groupe de travail, coordonné par la Conférence des évêques de France (CEF) et le service pour les professionnels de l’information (SPI) du diocèse de Paris, en partenariat aussi avec plusieurs instituts catholiques, pour réfléchir aux impacts de l’IA et aider l’Église à développer ses propres modèles.
« Nous pensons que l’IA générative peut être au service de l’Église dans sa pastorale », confirme Mgr Denis Jachiet, président du pôle dialogue à la CEF, lucide sur les défis éthiques et anthropologiques soulevés par ces technologies, en train de « transformer notre manière de vivre ». Dans son document final, le récent Synode sur la synodalité appelait en effet l’Église à s’engager pleinement dans l’espace numérique, « un champ missionnaire émergent », en veillant notamment à ce que le message chrétien y soit présenté « de manière fiable ».
Pour le père Laurent Stalla-Bourdillon, directeur du SPI, cette question de la fiabilité est cruciale car l’IA est en passe de devenir « le premier prescripteur de connaissances religieuses », particulièrement pour les nouvelles générations. Il s’inquiète ainsi du possible déclassement de la parole de l’Église dans l’espace public, un risque qui touche également l’ensemble des médias traditionnels. Selon lui, l’Église doit reprendre la main si elle ne veut pas laisser d’autres acteurs – ChatGPT ou bien des « officines prétendument catholiques » – occuper le terrain et lui « ravir le magistère de la parole ».

Un modèle pour épauler les catéchistes et accompagner la communication de l’Église

Si l’Église de France n’a évidemment pas l’intention de créer une IA de toutes pièces, elle peut, comme d’autres, s’adosser à des technologies existantes (en open source). « Pour faire fonctionner une IA, il faut trois choses, explique Antoine Couret : un corpus de données, l’algorithme en tant que tel et enfin une partie dite d’alignement, pour contrôler la fiabilité des réponses et leur donner un cadre. »
« Aujourd’hui, les principaux modèles ont un alignement assez consensuel, calqué sur la culture américaine », précise l’entrepreneur. L’idée pour l’Église est de « surentraîner un modèle » en intervenant à deux niveaux : à l’entrée en ajoutant des corpus dûment sélectionnés (textes du magistère, Pères de l’Église…), et à la sortie en contrôlant la fiabilité des réponses et en leur donnant la « tonalité » pastorale voulue.
Pour le père Stalla-Bourdillon, une telle IA ouvre de nombreuses perspectives : répondre aux questions des jeunes sur la foi, épauler les catéchistes – les modèles testés peuvent créer une leçon de quarante-cinq minutes pertinente et structurée –, accompagner la communication de l’Église…
« C’est une fausse bonne idée », s’inquiète toutefois Laurence Devillers, professeure à l’université Paris-Sorbonne, qui pointe l’opacité et le manque de fiabilité de ces systèmes. Mais est-on plus fiable aujourd’hui sans l’IA ? La spécialiste de l’interaction homme-machine attendrait plutôt que l’Église contribue à « démystifier l’IA » et à « l’apprivoiser de manière collective ».
Des préoccupations partagées, à des degrés divers, par le groupe de travail de la CEF et que l’on trouve exprimées dans la note romaine Antiqua et Nova, pour qui l’IA n’est qu’« un pâle reflet de l’humanité ». Louis Lourme, recteur des Facultés Loyola Paris, voit dans cette note « une boussole » indiquant deux points d’attention fondamentaux : la dignité humaine et le souci du bien commun. Le philosophe se veut plutôt optimiste, tout en reconnaissant que l’outil « n’est pas neutre » car il façonne notre environnement. « Ça met en lumière le besoin d’humain », relève cet utilisateur quotidien de l’IA.

« Aujourd’hui, ChatGPT a remplacé Google. C’est là que beaucoup de nouveaux convertis vont poser leurs questions sur la foi, qu’on le veuille ou non », observe Victor, alias « Le catho de service ». Pour ce vidéaste chrétien de 25 ans aux plus de 50 000 abonnés YouTube, l’Église ne doit surtout pas déserter ce champ : « Des gens me posent des questions à partir des réponses, le plus souvent approximatives, qu’ils ont obtenues sur ChatGPT. Et ils font souvent plus confiance au robot qu’à l’humain », explique-t-il. Selon lui, une tache importante de l’Église et des chrétiens sera bientôt de « défaire les idées reçues » générées par IA. Jusqu’à l’avènement d’une IA catholique fiable ?

sources : https://www.la-croix.com/religion/intelligence-artificielle

 

Publié dans Divers

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