Fête du Saint Sacrement du corps et du sang du Christ

Publié le par CERCLE SAINT-PIERRE

Le banquet, la chronique de Martin Steffens

Par Martin Steffens, philosophe. Publié le 20 juin 2025

Le dernier repas. Giotto (1303-1306) chapelle des Scrovegni. Le dernier repas du Christ que rappelle aux chrétiens la fête du Corps et du Sang du Christ interroge notre chroniqueur Martin Steffens sur la fonction du banquet. À quoi les hôtes du festin du Royaume sont-ils invités ?

 

Ce dimanche 22 juin est la Fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Le dernier repas de Jésus, parce qu’il institue l’eucharistie, invite aussi largement que possible. Dès lors en effet que, au lendemain de la Cène, Jésus offre littéralement, charnellement, son corps et son sang pour le salut des hommes, son ultime repas s’ouvre à quiconque le désire. Il devient le festin annoncé par Isaïe, celui que Dieu « prépare pour tous les peuples » (Is 25, 6). Encore faut-il le désirer. Jésus nous avertit : vous pouvez faire la fine bouche mais alors le maître des noces cherchera et trouvera d’autres convives (Mt 22, 1-10).

Il est vrai que quiconque y participe doit laisser au vestiaire le vieil habit (Mt 22, 11-14) et se laisser revêtir par le Père (Lc 15, 22). Il n’empêche : cette invitation, aussi large que le genre humain, n’a d’autres conditions que l’allant qu’on met à s’y rendre et le soin pris à conformer sa vie à ce don inconditionnel (cf. Lc 14, 13-14).

N’est-ce pas toutefois trop beau pour être vrai ? Dans L’heure des prédateurs, Giuliano da Empoli fait le lien entre, d’une part le massacre de Senigallia du Nouvel an 1503, banquet auquel César Borgia convia, pour les anéantir, ses rivaux politiques ; et, d’autre part, le piège où trois-cents des plus grandes fortunes saoudiennes ont été prises quand, en novembre 2017, au lieu du festin attendu, elles furent séquestrées, torturées puis dépouillés dans le luxueux Ritz-Carlton de Riyad. Qui eût cru qu’un banquet pût être une chose si risquée ?

Un chrétien le croit. Car, à bien y regarder, le banquet dont le Christ fait une image du Royaume déjoue les pièges du festin païen. D’abord, en s’offrant comme nourriture, le Christ soigne l’homme et la femme par où ils ont failli. Adam et Ève ont dévoré le fruit. On aurait pu, à la suite de cette impatience de prendre, condamner toute consommation de fruit et livrer le genre humain à une rude ascèse. Au contraire : c’est en croquant que nous sommes tombés ; c’est en croquant dans le pain de vie que nous serons relevés. Comme dans le sacrement de réconciliation, le lieu de notre chute se fait point de rencontre. Là où la relation fut coupée, elle est reproposée, à chaque eucharistie.

Aussi tout l’Ancien Testament, et Jésus à sa suite (Lc 14, 7-14), insiste-t-il pour que le banquet soit une relation et non pas une orgie dont chacun veut être le centre, ventre insatiable ou conversation que l’on ramène à soi (voir, entre autres, Si 31, 16-22).

Mais le banquet du Christ déjoue un piège plus terrible : celui où se trouvait prise la victime sacrificielle, souvent un enfant. Il y a bientôt un an, la cérémonie d’ouverture des JO faisait scandale. Ce banquet aux allures dionysiaques n’est-il pas une subversion de la Cène ? En ces termes s’alarmait-on ici et là, sans voir que, depuis deux millénaires, c’est au contraire l’épisode biblique de la Cène qui subvertit le festin païen et en neutralise la puissance morbide. Puisque le Fils s’offre une fois pour toutes, nul enfant, plus jamais, ne sera arraché aux bras de sa mère et livré en nourriture lors de nocturnes bacchanales. La Cène met à mort la mise à mort. Elle répète, en l’incarnant, l’interdiction prononcée à propos d’Isaac, celle proclamée par les prophètes. Le geste d’aimer sera désormais notre seul sacrifice (Ps 50, 19). Ceux qui l’ont compris, Dieu les nomme « serviteurs ». Au contraire de ce qui se passe dans nos fêtes, ce sont eux, les serviteurs, qui se régaleront (Is 65, 13).

Sources : LaCROIX

Publié dans Religion

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article