Célébration des Cendres avec le KT et les jeunes de l’Aumônerie.
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Carême 2025
Paroisse d'Auriol : Pour aider à la méditation.
Dans son lent pèlerinage vers l'humanité, Dieu ne brise rien, n'impose rien, caché dans les obstacles, épousant toutes les disgrâces et se perdant en l'homme pour se laisser retrouver par lui, là où gémit la souffrance. Dieu crie dans l'homme séparé. Il crie à son cœur égaré qu'il ne l'abandonne pas : « Revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! » « Revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d'amour. » (Joël 2, 12-13.).
Et ces paroles sont comme la puissance de l'aube sur la nuit divisée de l'être. Elles bénissent les plaies, illuminent le doute et guérissent du, malheur. Elles appartiennent aux temps de la grâce et de la réconciliation, marqués par les cendres de la montée au Golgotha et par les eaux fertiles du baptême. Elles nous font entrer sans bruit dans le jeûne de la Passion qui écarte, met en réserve, éprouve dans le silence et transforme le don de soi en une rencontre miséricordieuse : l'indicible engagement dans le don de Dieu. Ainsi passons-nous de la mort à la Résurrection entre les deux colonnes du dépouillement et du renoncement, dans l'ombre étirée du Christ revêtu de notre humanité.
La lumière du Carême est cette présence discrète de Dieu, agenouillé dans le Christ humilié, qui nous mène au désert avec des larmes d'amour et de confiance, dans la tendresse du cœur et la nuit de l'esprit comme Moïse au mont Sinaï : éclairé et non pas ébloui, fécondé et non pas écrasé par la nuée qui l'enveloppe, purifié et non pas glorifié par la splendeur divine.
Dieu marche ainsi en nous, du pas respectueux des humbles que l'œil ne voit pas, que l'oreille ne perçoit pas, mais qui murmure en chacun : « Laissez-vous réconcilier avec votre Dieu. » (2 Corinthiens 5, 20.).
Cette humilité de Dieu est le vêtement de sa miséricorde, la parure de sa divinité, ainsi que l'écrivait Isaac le Syrien, au temps des Pères de l'Église, pour éclairer le mystère de l'abaissement de Dieu dans l'homme : « D'elle s'est revêtu le Verbe fait chair, à travers le corps duquel elle est devenue nôtre. Quiconque s'en revêt réellement s'assimile à celui qui est descendu de sa splendeur, en recouvrant sa gloire d'humilité, afin que la création ne fût point consumée par sa vue trop manifeste. » (Isaac le Syrien, Sentences, traduction de M. Hotman de Velliers, Éd. Paix, 1993.)
Si Dieu ne s'était pas dérobé aux regards de Moïse pour le faire entrer dans la patience de son amour ; s'il ne s'était pas révélé progressivement dans l'histoire de l'humanité, attendant chacun sous l'épais manteau des doutes et des contradictions ; s'il ne nous avait pas oint, de toute éternité, de sa grâce d'adoption conduisant pas à pas l'enfant chaotique et hébété des origines vers l'enfant ténébreux, mais transfiguré, des fins dernières alors, l'invitation à le rencontrer au désert n'aurait pas été ce regard d'amour prolongé de l'un en l'autre, ce chant de reconnaissance du Père qui se tient là, invisible, dans le secret de la prière, moins palpable qu'un battement d'ailes, mais debout dans le silence de l'évidence, éprouvant la fidélité et recherchant la simplicité de l'amour qui donne et se donne sans rien retenir : « Nourrissez sur le Seigneur de droites pensées et cherchez-le en simplicité de cœur », dit le Livre de la Sagesse, « car il se laisse trouver par ceux qui ne le tentent pas, il se révèle à ceux qui ne lui refusent pas leur foi » (Sagesse 1, 12).
Le temps du Carême est ce balbutiement de l'être renouvelé devant l'infini bonté de Dieu : un Dieu qui ne force pas les âmes, mais les accueille librement, étant là de toute éternité, dans le sommeil de l'esprit. Il est ce retour à l'enfance émerveillée, glissant sa main dans la main du Père retrouvé.
Ainsi le Carême monte en nous comme un désir d'innocence qui va nous pétrir, nous coucher entre les rives de l'orgueil et de la pauvreté intérieure, et nous relever vivants et purifiés entre les bras du Christ, invisibles à nous-mêmes, ayant mêlé nos ombres à la lumière de Dieu et à la nuit de Jésus, avec cette simplicité du cœur dénudé qui ne dit plus rien, qui ne désire plus rien que ces eaux mêlées de la vie divine et qui, dans sa prière, s'élève jusqu'à la coupe.
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Sur la croix, le Christ n'était qu'obéissance, oubli de soi, exhalaison du Fils vers le Père. Dans notre ascension vers la croix, nous devenons, jour après jour, la respiration du Christ, le don de l'humanité cachée dans l'obéissance du Fils.
Il faut redevenir des petits enfants dans la résurgence de l'humilité, dans l'abandon et l'obéissance, dans le dépouillement intérieur et l'effacement de soi. « Celui qui voudra devenir grand parmi vous se fera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier d'entre vous se fera votre esclave. C'est ainsi que le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir .et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mt 20, 26-28.)
Il faut redevenir des humbles entre les épines du Christ, éclairés par nos acceptations répétées, par la mesure de nos silences et de nos paroles, comme le Serviteur souffrant du Livre d'Isaïe, s'accablant lui-même des fautes de la multitude, mais déjà transformé dans la lumière de la vie divine (Is 53, 10-11).
Il faut retrouver la petitesse de la foi entièrement confiée, qui ne vaque plus à elle-même mais à son Dieu, et dans laquelle toute la force du monde se résume, parce que la faiblesse de l'homme y est portée par la tunique du Christ.
Il y a un sens inépuisable dans l'attitude du Serviteur souffrant, le retournement d'une vie, l'aboutissement d'une intention, l'envol d'un amour qui ne se possède plus lui-même, mais qui se laisse posséder par la volonté de Dieu. Notre vie, comme celle du Christ au calvaire, ne nous appartient pas, avec ses ombres du cœur et ses éclairages de l'esprit.
Notre vie n'est pas notre bien, mais l'offrande que nous en faisons, laissant Dieu vouloir en nous ce que nous pouvons lui présenter de meilleur, le laissant disposer de tout dans nos existences troublées, des piétinements et des chutes comme des transfigurations sans nous en inquiéter davantage.
C'est cela, la confiance du Serviteur : ce regard d'homme attardé sur les plaies du Christ, ce regard transporté par l'autre qui a cessé de s'étreindre dans sa souffrance, délivré de lui-même, et qui s'écrie, comme Pascal aux heures limpides de sa conversion : « Vous êtes le souverain Maître : faites ce que vous voudrez. Donnez-moi, ôtez-moi, mais conformez ma volonté à la vôtre ; et que dans une soumission humble et parfaite, et dans une sainte confiance, je me dispose à recevoir les ordres de votre providence éternelle » (Pascal en prière, textes réunis et présentés par Anne d'Eugny, Éd. Labergerie, Paris, 1962).
Nathalie Nabert, théologienne
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