Commémorations du 11 novembre 1918

Publié le par CERCLE SAINT-PIERRE

Texte écrit par les élèves de 3ème 1 et lu par eux à l’occasion des commémorations de l’armistice du 11 novembre 1918 en présence de Madame Miquelly, maire d’Auriol

Madame la Maire, mesdames et messieurs,

Entre 1920 et 1925, la France se couvre d’une forêt de monuments de marbre blanc comme un linceul qui serait venu recouvrir le corps des enfants de la République pour elle durant ce que l’on appelait déjà la Grande Guerre. Il en a été ainsi pour la commune d’Auriol qui commande au sculpteur Henri-Charles Raybaud une statue devenue son monument aux morts inaugurée le 11 novembre 1921. La longue liste des noms de 70 jeunes hommes du village a malheureusement été allongée depuis. La Der des Der ne devait être que l’expression d’un vœu pieux. Mais ce monument est devenu un lieu de mémoire, de notre mémoire collective et il nous rassemble, nous réunit nous tous, enfants de la République et contribue à faire vivre notre citoyenneté. Du haut de son piédestal, la Victoire ailée couronne les héros auriolais morts pour la France.

Merci Madame la Maire, de nous permettre de nous incliner devant le souvenir des enfants d’Auriol, ceux de 14. Merci de nous permettre de construire notre citoyenneté et d’honorer le souvenir des millions de mobilisés pendant la Grande Guerre. La voix des Poilus s’est tue depuis longtemps, aussi pour honorer leur mémoire, nous souhaiterions lire quelques lignes écrites par des soldats, tirées des recueils Paroles de Poilus et Carnets de Verdun rédigées sur le front. Séparés de leur famille, prisonniers de leur devoir, confrontés à des conditions de vie inhumaines, leurs textes nous ont touchés et nous souhaiterions les faire revivre un court instant à travers nos lectures. Puissent-elles nous transmettre l’écho de leurs voix. Souvenons-nous ensemble !

J’ai choisi de vous lire un des extraits qui m’a le plus touchée par sa violence et surtout son injustice. L’auteur est le poilu Joseph Canal, un cultivateur originaire des Vosges. Il a été affecté au 171e Régiment d’Infanterie où il reçut une formation de mitrailleur. Il passa à Verdun du 22 au 24 juin, ce qui correspond aux journées les plus meurtrières de la bataille.

« J’ai eu l’impression de quitter un monde pour entrer dans un autre. Ce jour-là, j’étais particulièrement gonflé. C’était Verdun… l’ampleur du combat donnait l’impression de faire la guerre dans toute l’acceptation du mot ; on était pris, engagés à fond. C’était différent des autres secteurs [...]. Ici quelle mise en scène ! On aurait cru se trouver sur une barque au milieu de la mer car aussi loin que le regard pouvait porter, de tous les côtés ce n’était qu’éclatements d’obus par milliers, j’ai regardé un moment tout cela, et il fallait bien m’y résigner, je ne pouvais plus combattre. Il me fallait laisser seul mon camarade dans son trou. Alors j’ai ôté tout mon harnachement et me voilà parti en me traînant tout environné de balles allemandes. [...] Et partout le terrain couvert de cadavres où les grosses mouches trouvaient pâtures à leur goût. »

Maurice Gastellier est un jeune paysan qui a tout juste 20 ans lorsque la guerre est déclarée. Incorporé au 76e Régiment d’Infanterie de Coulommiers, puis rattaché au 19e Régiment d’Infanterie de Brest, il se bat sur tous les fronts et est blessé à 4 reprises. Les passages qui suivent sont tirés de lettres qu’il envoie de Verdun à sa mère et à son frère cadet.

5 décembre. Nous sommes en ligne de ce temps-là, par la neige et la flotte. Tu parles d’une boue, c’est abominable ; on est dans un état déplorable. Il y a des évacués tous les jours. Maintenant le canon qui m’assomme. J’ai peur que ça me joue quelque tour, si jamais il tombait tout près de moi comme à Vauquois.

8 décembre. [...] Tu parles d’un terrain labouré par les obus. Je me suis perdu ce matin par le brouillard. J’ai sauté les trous dans l’eau, dans la boue pendant 3 heures sans rencontrer quelqu’un [...]. C’est terrible, mais on voit que ça a été pire car il y a quelque chose comme des cadavres sur le terrain.

12 décembre. Nous voyons de la misère avec l’eau et surtout de la boue. [...] Dans un coin c’est la forêt, tous les arbres sont déchiquetés même ceux qui ont 4 mètres de tour. Enfin c’est terrible, il faut le voir pour le croire.

J’ai trouvé intéressant de découvrir l’arrivée d’un soldat sur le front selon son point de vue mais j’ai également été touchée d’apprendre qu’Alphonse, l’auteur du texte que je vais lire, a envoyé cette lettre 9 jours avant de mourir tué par un obus.

Mercredi 5 mai 1915. Voilà le baptême du feu, c’est chose tout à fait agréable, tu peux le croire, mais je préférerais être bien loin d’ici plutôt que de vivre dans un vacarme pareil. C’est un véritable enfer. L’air est sillonné d’obus, on n’en a pas peur pourtant : nous arrivons dans un petit village, où se fait le ravitaillement ; là, on trouve dans des casemates enfoncées dans la terre les gros canons de 155 ; il faudrait que tu entendes cracher, ceux-là […] On sort du village à l’abri d’une crête, là commencent les boyaux de communication ; ce sont de grands fossés de 1 mètre de large et de 2 mètres de profondeur ; nous faisons 3 kilomètres dans ces fossés, après on arrive aux tranchées qui sont assez confortables. On entend siffler quelques balles […]. Nous faisons des préparatifs formidables en vue des prochaines attaques. Que se passera-t-il alors, je n’en sais rien, mais ce sera terrible […]

Issu d’une famille d’aristocrates comme beaucoup d’officiers de la Grande Guerre, le marquis de Beaucorps est lieutenant au 170e Régiment d’Infanterie. […] Il rapportera dans ses souvenirs de guerre les souffrances physiques et morales endurées par les hommes de sa section. Il parle ici de son officier d’ordonnance.

Comme Malpas arrivait avec sa section, je lui demandais d’emmener ce qu’il restait de la mienne pendant que je m’occupais des blessés. 3 hommes gisaient dans la neige, 2 ne bougeaient plus, le troisième était Botzi, mon ordonnance. [… Arrivé] au poste de secours, je fais mettre le brancard de Botzi dans un coin et, à genoux, près de lui, je défais le plus doucement possible, mais maladroitement avec mes doigts engourdis par le froid, ses vêtements collés par le sang. C’est avec un serrement de coeur que j’ai découvert son pauvre corps où une large coupure affreuse lui barrait le ventre et d’où sortaient des débris d’intestin et des morceaux de foie. Un médecin qui passait hocha la tête et s’éloigna. Lui, étendu, ne pouvant voir sa plaie, me demanda : « Est-ce grave ? » Je ne pus que lui répondre : « Oui, c’est bien grave. »

 

Publié dans La vie du village

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