Messe et homélie pour les 125 ans du cercle
Fête de la Saint-Pierre 2023,
célébrant le 125ème anniversaire de la création du Cercle.
- 9h30 : Rendez-vous au Cercle, 5 Place de la République
- 9h45 : Procession vers la statue du Bienheureux Abbé Jean-
Baptiste FOUQUE (Fondateur du Cercle St-Pierre) - 10h00 : Discours et Dépôt d'une gerbe par M. le Président
- 10h30 : Messe solennelle en l'église Saint-Pierre
- 12h00 : Apéritif dans la cour paroissiale
- 13h00 : Bouillabaisse réservée aux membres du Cercle
Homélie de la messe pour les 125 ans du cercle St Pierre
Il est une statue qui trône dans les rues de notre commune, quelque peu esseulée dans ce paysage urbain, à quelques encablures du cimetière, de la poste et de la maison de retraite. Si l'on réalisait un micro-trottoir pour demander quel est ce personnage, qui saurait encore dire précisément de qui il s'agit ? « L'abbé quoi ? » « L'abbé qui ? » ... On distingue vite fait sa discrète soutane rehaussée de son chapeau ecclésiastique noir. Sa présence semble presque incongrue. Décalée. Et pourtant. Et pourtant, cette statue rappelle le souvenir vivant d'un visage qui aura marqué à jamais le devenir de notre commune et de notre paroisse. L'abbé Fouque, vicaire à Auriol, de 1877 à 1885. Il arrive dans notre commune à une époque déjà difficile pour l'Église. Traumatisme de la Révolution : les cadres de l'Église sont vieillis et divisés, ses fidèles, peu nombreux et peu croyants. Les aristocrates, catholiques par tradition se taisent, les masses paysannes et ouvrières sont abandonnées à elles-mêmes et la force vive et neuve du pays, la bourgeoisie, n'a plus que faire de Dieu, tout à son commerce. Réfléchir sur la société nouvelle n'est pas la priorité de l'Église de France et on en reste à un enseignement traditionnel qui déjà à l'époque, parle de moins en moins. Une Église défaitiste, peureuse.
Davantage préoccupée de sa propre survie que de sa mission première, l'annonce de l'Évangile, aux plus pauvres, aux déracinés. Masses rurales qui par milliers vont quitter les campagnes pour s'entasser dans les villes, sous le coup d'une industrialisation effrénée. Comment ne pas être saisi encore aujourd'hui par ces foules sans berger ? Ces foules qui errent et tentent de combler leur vide existentiel par toutes sortes d'artifices ou de fêtes plus ou moins réussies. Ce ne sont plus les masses des campagnes mais celles des pays dits en voie de développement, qui tentent l'aventure au péril de leur vie. Ou ces foules penchées sur leurs téléphones portables, incapables de relever la tête. Surgissent toujours des âmes ardentes, généreuses. Des hommes et des femmes qui ne peuvent plus supporter un état de fait. Des hommes et des femmes qui disent maintenant, cela suffit. Des hommes et des femmes qui décident de ne plus subir en se retroussant les manches. L'abbé Fouque est l'un de ceux-là. Espérons qu'il en soit encore aujourd'hui. Dans une Église sclérosée de toutes parts, en proie aux jalousies intestines pour savoir qui sera le premier, notre pasteur choisit la voie du catholicisme social. Un catholicisme ni de droite ni de gauche. Mais social, c'est-à-dire pour le monde. Le catholicisme est par essence social. « Je suis venu pour que le monde ait la vie et la vie en abondance », dit Jésus.
Dans une Église qui fait les yeux doux au pouvoir politique pour sauvegarder quelques miettes de réputation, déjà à l'époque, l'abbé Fouque et quelques-uns avec lui, innovent et sortent des sentiers battus. Retrouver la fraîcheur et l'authenticité de l'Évangile. Le Saint Vincent de Paul marseillais restera vicaire toute sa vie. Même pas curé. On peut imaginer le dédain avec lequel il pouvait être considéré par nombre de ses confrères. Libre pour le Christ car débarrassé des plans de carrière et des concours d'arrivisme ecclésiastique. C'est en cela qu'il est encore pour nous aujourd'hui, une leçon de vie. Sa mission n'était pas celle des grands discours, des congrès, des palais, des palabres de faux intellectuels, mais celle de la visite de ses paroissiens, de la salutation fraternelle et amicale du passant, de l'attention à chacun. Un prêtre tout terrain. Le Christ était à tous, sans réserve, sans exception. A commencer par les moins recommandables et fréquentables. L'abbé Fouque est toujours une source inspirante pour notre Église. Empêtrée dans une litanie sans fin d'abus, incapable de se rénover, l'Église en a déçu beaucoup et continue d'en décevoir un très grand nombre. Mais c'est là que commence, que ne peut commencer que l'espérance. C'est là qu'il faut agir. C'est là qu'il faut vivre. Quand tout semble perdu, il faut tout recommencer. Avec le Christ et tous les hommes de bonne volonté.
« Tout est possible à celui qui croit » disait encore l'abbé Fouque. Que veut dire croire ? Croire c'est mettre toute son espérance dans le Christ mort et ressuscité qui ne cesse de sauver ce monde. Avec le Christ, on peut continuer à donner la vie. C'est ensemble chers amis, que nous referons une chrétienté. Non pas un énième courant politique. Non pas une forteresse barricadée. Non pas une armée de mercenaires. Mais un mouvement de vie, de fraternité au sens noble du terme, de solidarité. Comment ne pas être à nouveau des porteurs de vie ? Ne serait-ce qu'en proposant le baptême, le catéchisme, à nos enfants, nos petits-enfants, nos arrière-petits-enfants. Comment ne pas être saisis devant ces affaires de harcèlement qui ne cessent de se multiplier dans les cours de récréation, au nom d'une religion, d'une couleur de peau, d'une orientation sexuelle ? Si la foi ne s'impose pas et si chacun bien sûr reste libre, comment ne pas affirmer que le catéchisme et l'aumônerie d'une paroisse peuvent être des lieux privilégiés de vie, de partage et d'espérance ? Chers amis, nous ne nous battons pas seulement pour sauvegarder des murs. Se lamenter sur les églises que l'on détruit sans participer à la vie de l'Église, sans aider concrètement cette Église, n'est plus possible. L'Église se doit être au plus près des préoccupations de notre temps. Comme le fut l'abbé Fouque.
La désespérance sociale à coup de solitudes, de retraites de misères, de déclassement, se poursuivent. Le catholique, sachant d'où il vient, est celui qui est capable d'accueillir chacun, pour continuer à transmettre, à faire grandir. Nous ne pouvons prétendre défendre les pierres d'un édifice sans être nous-mêmes des pierres vivantes de l'Église. C'est ensemble, dans un esprit de communion que nous devons et pouvons, œuvrer pour notre commune et notre paroisse. La participation commune et bon enfant de chacun et de tous à notre kermesse paroissiale, en est un signe. Certes modeste mais éminent. Comme le fut aussi la Marche des Rois il y a quelques mois. Nous pouvons être encore transmetteurs de vie et d'humanité. Nous le devons. C'est finalement notre seule mission ici sur terre. Dans l'Église, il y a de la place pour tous. Et chacun doit pouvoir y trouver sa place. Depuis le début de mon ministère, comme curé ici à Auriol, la parole de l'abbé Fouque, affichée dans la grande salle du cercle, habite et nourrit chacune de mes journées, je peux vous le dire : « les difficultés ne sont pas faites pour abattre mais pour être abattues ». Elle est une source inspirante. Quand le poids du ministère se fait davantage sentir, quand la fatigue arrive, il m'arrive de regarder le visage du vicaire d’Auriol et de me dire intérieurement « souviens-toi de sa bonté ».
Cette parole est pour nous tous en réalité. Combien de solitudes, de divisions, de désespoirs, qui habitent nos rues et menacent d'abattre, trop lourds, ceux qui tentent encore de les porter ? C'est aussi la mission première du cercle St Pierre, tel que l'a voulu l'abbé Fouque. Un homme de Dieu qui n'excluait personne mais invitait chacun à travailler ensemble. Puissions-nous être dignes de la mission qu'il nous a laissée. Votre curé et nous tous, ensemble. C'est la seule condition. C'est notre seule espérance. Que sa statue ne soit pas seulement vestige du passé mais rappel de notre responsabilité et de notre mission, toujours vivantes.
Père Antoine DEVEAUX
curé d'Auriol
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