Dans les coulisses du conclave

Publié le par CERCLE SAINT-PIERRE

Dans les coulisses du conclave : le mode d’emploi de l’élection du pape

Nicolas Senèze : le 7 mai 2025

À l’abri des regards du monde, les cardinaux catholiques romains entameront mercredi 7 mai 2025 un conclave de plusieurs jours afin d’élire un 267e pape. ARTURO MARI / AFP

Pour élire un successeur au pape François, les cardinaux électeurs se réuniront à huis clos dans la chapelle Sixtine à partir du 7 mai. Ancré dans les âges, le rituel du conclave obéit à des règles précises et parfois fastidieuses pour assurer la liberté de choix des cardinaux.

Cent trente-trois cardinaux enfermés dans la chapelle Sixtine pour élire un pape. Voilà le principe du conclave, un mot venu du latin cum et clave, « avec la clé », soit une pièce fermée. L’idée est apparue au Moyen Âge, à partir du moment où l’élection du pape a été réservée aux cardinaux, mais que ceux-ci mettaient du temps à s’accorder : à Pérouse, en 1216, mais surtout à Viterbe, en 1270, les habitants excédés par les désordres causés par les suites cardinalices mirent les cardinaux sous clé pour les forcer à élire un pape.

Les règles du conclave vont se fixer au fil des siècles, avec une volonté claire : assurer la liberté de choix des cardinaux, notamment vis-à-vis du pouvoir politique. Mais il faudra attendre 1904 pour que Pie X abolisse le droit d’« exclusive » permettant à l’Autriche, l’Espagne et la France de formellement exclure un cardinal du choix des électeurs !

Le politique évacué, le conclave s’est donc recentré sur sa mission religieuse : élire un pape. Avec l’assistance du Saint-Esprit. Car, plus qu’un acte électoral, c’est bien une liturgie qui se déroule dans la chapelle Sixtine, soigneusement réglée par la constitution apostolique de Jean-Paul II et Benoît XVI Universi Dominici gregis et un rituel propre, l’Ordo rituum conclavis.

Ces deux textes ne cessent en effet d’insister sur l’importance religieuse de ce que les cardinaux accomplissent. De la distribution des bulletins – sur lesquels est imprimée la phrase « Eligo in Summum Pontificem » (« J’élis comme Souverain Pontife »), la partie inférieure étant blanche pour que chaque électeur indique son choix – à la combustion des bulletins, tout est fait pour s’assurer que nul ne puisse jamais contester l’élection du futur pape.

Sotto voce

Cardinal Fançois BUSTILLO

Chaque demi-journée (sauf le premier après-midi), un tirage au sort des scrutateurs est effectué. Puis chaque électeur vient déposer son bulletin dans l’urne posée sur l’autel de la chapelle Sixtine.
On dépouille ensuite : un premier scrutateur agite l’urne, un autre compte les bulletins, « en prenant ostensiblement, un à un, chaque bulletin dans l’urne et le déposant dans un vase vide », précise Universi Dominici gregis. Puis les scrutateurs s’assoient à une table devant l’autel : le premier prend un bulletin, le déplie et le regarde avant de le passer au second qui regarde lui aussi le nom inscrit, avant que le troisième ne s’en saisisse et prononce à haute voix le nom de l’élu, « pour que tous les électeurs présents puissent noter le suffrage sur une feuille préparée à cet effet ». Au fur et à mesure, le dernier scrutateur les perfore d’une aiguille munie d’un fil qu’il noue après le dernier bulletin.

Ils comptent alors les voix : si personne n’a obtenu les deux tiers des suffrages, et après que des réviseurs, eux aussi tirés au sort, ont soigneusement tout vérifié et recompté, on recommence immédiatement un deuxième scrutin. Si, après ce deuxième scrutin de la demi-journée, personne n’a obtenu les deux tiers des voix, tous les bulletins, mais aussi les notes des cardinaux, sont placés dans le poêle installé dans la chapelle Sixtine qui crachera bientôt une fumée noire, annonçant à l’extérieur qu’aucun pape n’a été élu.

Les scrutins sont donc longs et fastidieux. Au point que, en 1978, le futur Jean-Paul II lisait discrètement une revue d’études marxistes pour passer le temps. « J’ai la conscience tranquille », aurait-il confié à son voisin.

Mais, dans la chapelle, les cardinaux parlent peu entre eux. Il n’y a pas les discussions que l’on peut voir dans le film Conclave avec des cardinaux commentant les scrutins assis dans un amphithéâtre. Les échanges de ce type se font plutôt sotto voce à table ou dans les couloirs de la Maison Sainte-Marthe, où les cardinaux dorment et prennent leur repas, totalement coupé du monde puisqu’ils ont dû laisser y compris leur téléphone portable.

Fumée blanche

Cardinal Jean-Marc AVELINE

Des discussions plus formelles peuvent avoir lieu, notamment en cas de blocage. Si, au bout de trois jours, aucun pape n’a été élu, ils doivent s’arrêter pour « une journée consacrée à la prière, à la réflexion et au dialogue ». Récemment, aucun conclave n’est jamais allé si loin, les cardinaux préférant la responsabilité. En 2005, après seulement trois scrutins, et alors qu’une minorité de blocage l’empêchait d’atteindre les deux tiers, le cardinal Ratzinger a ainsi été vu en grande discussion dans les jardins du Vatican avec le cardinal Martini, chef de file de ses opposants. L’après-midi, Benoît XVI était élu…

Lorsqu’un cardinal a atteint les deux tiers des voix, le cardinal qui préside le conclave s’approche alors de lui pour lui demander s’il accepte son élection. Dès son acceptation – rien n’est prévu s’il refuse… – il « est immédiatement évêque de l’Église de Rome, vrai pape et chef du collège épiscopal », et choisit le nom sous lequel il veut être appelé.

Le conclave n’est pas fini pour autant. Les scrutateurs brûlent une nouvelle fois dans le poêle bulletins et notes des cardinaux, s’assurant grâce à un fumigène que la fumée sera bien blanche. Le maître des cérémonies pontificales emmène ensuite le nouveau pape dans la sacristie où l’attendent trois soutanes blanches de tailles différentes et l’étole rouge aux broderies dorées représentant les apôtres Pierre et Paul, que François avait refusé de porter.

De retour dans la chapelle, il reçoit le serment d’allégeance des cardinaux. Les portes de la Sixtine s’ouvrent alors pour que le premier des cardinaux-diacres aille à la loggia de Saint-Pierre prononcer le « habemus papam », et que le nouveau pape se présente à la foule pour sa première bénédiction.

Source : La Croix

Publié dans Vatican

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