Itinéraire d’un comédien et d’un croyant : Michael LONSDALE
Le 21 septembre dernier disparaissait à 89 ans Michael Lonsdale, un des acteurs les plus originaux du cinéma français. Dans le film Des hommes et des dieux qui retrace l'histoire de la vie et de la mort des moines de Tibhirine, en Algérie, il a incarné un inoubliable « frère Luc », le moine médecin, interprétation qui lui a valu en 2010 le César du meilleur second rôle.
En 2011, Michael Lonsdale publiait une anthologie de ce qu’il appelle ses « plus belles pages chrétiennes » (1). Il s’agit de plus de 50 textes qui vont de la Bible aux auteurs les plus contemporains. Dans une longue préface qui donne le titre à l’ouvrage, L’Amour sauvera le monde, il décrit son itinéraire artistique et spirituel. Évoquant sa participation au film Des hommes et des dieux il écrit ceci :« Dans ce film, je n’ai pas eu l’impression de jouer : j’ai vécu. Luc était là, tout le temps, il m’a prêté son esprit pour interpréter le rôle. Quand on a affaire à un être aussi fort, il ne s’agit pas de jouer, mais de se laisser habiter par ses paroles » (2). Et il continue : « Lorsqu’on me demande de faire des conférences sur ma foi, sur le personnage de Luc et sur le film, j’ai l’impression d’apporter un témoignage utile car nous avons besoin de bonté. Aujourd’hui, je suis plus heureux que jamais. Je pensais qu’à 80 ans, j’en aurais assez de bouger. Mais non, je continue parce que je peux maintenant le faire dans une grande paix. J’ai peut-être dit dans le film ce que je pense au fond de moi : l’amour du Christ pour les hommes a toujours provoqué mon immense admiration » (3).
Fils d’un protestant non pratiquant et d’une mère catholique ayant gardé un très mauvais souvenir de son éducation chez les religieuses, Michael Lonsdale n’a pas été baptisé. Son itinéraire spirituel a vraiment commencé au Maroc où il vivait avec la rencontre de l’Islam. « À la maison, nous ne parlions jamais de religion… Un jour, au Maroc, j’ai rencontré un antiquaire de Fès qui m’a parlé de l’islam. Puis je me suis mis à l’écouter souvent, il parlait si bien d’Allah ! Cela m’a donné envie de me rapprocher de Dieu » (4) Après la séparation de ses parents, il vit à Paris et fréquente les Ateliers d’art sacré fondés par Maurice Denis où il rencontre le Père Régamey, dominicain, qui devient son père spirituel et l’amène au baptême à 22 ans. Mais loin de le détourner du métier de comédien, il l’encourage dans cette voie car, lui dit-il, « Vous direz au public des choses que vous ne pourrez dire à personne dans votre vie ».
Lorsqu’on lui demande comment il concilie ce métier avec la foi du chrétien qu’il est devenu, il répond ceci : « Dans ma vie, je n’ai jamais établi de frontière entre l’art et la foi. Je suis artiste et croyant. On me demande souvent comment j’ai pu servir avec conviction le théâtre d’avant-garde, celui de Beckett par exemple… À notre époque, le spirituel s’incarne plutôt, comme chez Beckett, dans le désespoir, dans un regard assez pessimiste, empli d’humour aussi, sur la condition humaine, une mise en majesté du rebut humain. Un regard d’une incroyable commisération » (5).
Finalement, c’est peut-être dans la libération des capacités créatrices en chaque être humain que le croyant et l’artiste se rejoignent. « Dieu n’est pas dans le ciel et dans les nuages. Il est, par son esprit, en chacun et chacune de nous. Je pense qu’être croyant, c’est tenter de libérer l’Esprit que nous enfermons à double tour dans notre cœur » (6).
Bernard Ginisty
(1) Michael LONSDALE, L’Amour sauvera le monde. Mes plus belles pages chrétiennes. Éditions Philippe Rey, 2011.
(2) Id., p. 15.
(3) Id., p. 18.
(4) Entretien du 3 octobre 2011, sur le site <SaphirNews.com> à l’occasion de la sortie du film « Les Hommes libres », d’Ismaël Ferroukhi dans lequel Michael Lonsdale joue le personnage de Kaddour Ben Ghabrit, recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui sauva des Juifs durant l'Occupation nazie.
(5) L’Amour sauvera le monde, op.cit. p. 13.
(6) Id., p. 19.