Il était une fois la chapelle Sainte-Croix
Il est de tradition à Auriol le 14 septembre, jour de la fête de la Croix Glorieuse, de monter en pèlerinage a la chapelle Sainte-Croix, où notre curé célèbre l'Eucharistie. Elle domine fièrement notre village à 366 mètres d'altitude. Des bénévoles ouvrent cette chapelle tous les premiers dimanche du mois (sauf juillet août et septembre risques incendies) où ils accueillent les visiteurs de passage.
Croix glorieuse
Le 14 septembre, la fête de la Croix Glorieuse nous invite à remercier Dieu pour le don de son Fils : il a donné sa vie pour nous en acceptant de mourir, et de mourir sur une croix. Le supplice de la croix est un des supplices les plus cruels inventés par les hommes. Jésus l’a affronté et l’a vaincu. Pour nous. Cette fête exprime notre gratitude et nous pousse à méditer sur l’amour de Dieu.
Les paroissiens qui ont fait le pélerinage à Sainte-Croix, avec le père Philippe RAST, le 15 septembre 2016 (photo du haut) et le 14 septembre 2017 (photo du bas). Cliquer sur l'image pour l'agrandir et sur les bords droite ou gauche pour faire défiler.
Il était une fois la chapelle Sainte-Croix
La chapelle Sainte-Croix se trouve au sommet d’une colline, dont le coteau sud redescend assez abruptement sur le village médiéval d’Auriol, situé 135 mètres en contrebas. Sa construction fut contemporaine au concile de Trente (1545-1563), puisqu’elle fut édifiée entre 1554 et 1559. Le 24 juin 1554, l’administration communale mettait en vente « quatre charges de blé » afin de financer la construction d’une chapelle dédiée au culte de la « Sainte Croix ». Mais la collectivité ne fut pas la seule semble-t-il, à participer au financement de cette entreprise, comme nous l’indique B. Carpentier, en citant l’exemple d’un particulier : « […] le 17 septembre 1557, Jean-Baptiste Tremellat donne tous ses biens avec la faculté de les vendre pour la construction de la chapelle. » Le 12 février 1559, deux mois avant que ne soient achevés les travaux, le pouvoir communal procéda à la « nomination d’administrateurs de la fabrique » ; c’est-à-dire qu’il désigna les Auriolais chargés, dès lors, de la gestion et de l’entretien des biens de cette chapelle.
Une confrérie responsable du site
Très vite cette communauté de laïcs s’organisa en confrérie, avec à sa tête deux, puis un prieur élu. Les archives municipales ont conservé la trace de quelques-uns de ceux qui furent élus à cette dignité ; leurs noms comptent parmi les plus vieilles familles auriolaises : Pierre Michel et Antoine Revest, le 01/11/1563 ; Honoré Laget et Pierre Tapan cadet, le 01/11/1564 ; Barthélémy Grimaud et Jean Bosc, le 01/05/1568 ; Bernard Gras, le 01/05/1609 ; Louis Bernard, le 06/03/1611. En tant que premiers des confrères, le ou les prieurs dirigeaient la confrérie aussi bien religieusement que juridiquement ; ce qui leur attribuait certains pouvoirs. Ainsi, en 1564 : « Pouvoir était donné aux prieurs de Sainte-Croix d’exiger le paiement des legs faits à cette chapelle. » Les paroissiens associés à cette confrérie devaient accomplir une pratique religieuse régulière, dans le « but » d’obtenir l’intercession de leur saint patron ; en l’occurrence ici s’agissant de la « Sainte Croix ». La confrérie était également chargée d’organiser les « joies » en l’honneur de leur objet de dévotion, au jour prévu dans le calendrier liturgique. Aussi, afin de pouvoir organiser ces festivités, la municipalité d’Auriol institua le 2 août 1562 : la « création d’une foire au lendemain de la fête de la Croix » ; alors que le même jour le pape Pie IV (1559-1565) accordait au nouveau sanctuaire une « indulgence pour ceux qui visiteront l’église Sainte-Croix et lui feront une aumône ». Ces deux décisions favorisaient, dès lors, l’attraction de la population des environs d’Auriol, pour venir assister aux fêtes et à la foire de la Sainte-Croix.
La bravade de Sainte-Croix
Grâce aux archives, nous pouvons nous faire une idée de ce en quoi consistaient ces festivités. Tout d’abord il s’agissait d’une bravade, c’est-à-dire d’une fête patronale comprenant un défilé de jeunes gens costumés et armés, au son de la musique et des coups de tromblon : « Demande au comte de Tende d’autoriser le port des armes pour le "triomphe" qui se célèbre le jour de la Sainte- Croix, le capitaine de ville n’entendant faire cette fête que conformément à la coutume » (03/10/1564) ; « Payé à Jean de Feissinat, marchand poudrier de Tourves, 11 livres 4 sols, pour 32 livres de poudre distribuée aux particuliers qui ont pris part avec leurs arquebuses, à la bravade de la fête de la Sainte-Croix » (22/09/1607). Bien que les usages de ces « joies » fussent strictement codifiés, on peut facilement imaginer que lors de ces rassemblements importants de foule, ces fêtes pouvaient parfois être le théâtre de débordements, comme nous le montre cette anecdote : « Plainte adressée au duc de Villars contre des jeunes gens qui, étant sortis en ville avec des tambourins, le jour de Sainte-Croix, alors que seule la confrérie de ce nom pouvait en faire sortir ce jour-là, avaient traité les consuls de Jean-fesses » (23/09/1759).
La Passion du Christ en quatorze oratoires
L’autre aspect de ces fêtes, et non des moindres, consistait en une procession religieuse, la confrérie en tête avec le clergé, qui partait de l’église paroissiale pour arriver à la chapelle Sainte-Croix. Tout au long de ce parcours furent construits quatorze oratoires, dans lesquels furent placés quatorze tableautins représentants les stations de la Passion du Christ, alors qu’une grande croix fut placée sur la façade de la petite chapelle. Ainsi, les ouailles qui participaient à cette procession du chemin de croix, grimpant vers ce calvaire grandeur nature, qui leur permettait de mettre leurs pas dans ceux du Christ gravissant le Golgotha de Jérusalem, où dès le IVe siècle, fut érigée l’église du Saint-Sépulcre. Si nous ne connaissons pas la période exacte à laquelle furent construits ces quatorze oratoires, nous savons cependant qu’en 1728, l’usure des peintures nécessita qu’on les restaure, comme l’indiquait l’administration communale de l’époque : « Payé au sieur Charnier, peintre de Marseille, […] 9 livres pour réparations faites aux tableaux placés dans les stations du chemin de la chapelle Sainte-Croix. » Toujours au sujet de ces oratoires, nous savons (grâce à deux lettres du curé Julien), qu’en 1841 : « […] une réparation était devenue très urgente et vient d’être faite. » Et qu’à la suite de ces réparations, un chemin de croix y fut de nouveau érigé au cours d’une cérémonie solennelle, conformément à un acte du pape Grégoire XVI (1831-1846), datant de 1839.
La relique du bois de la véritable Croix
C’est un acte pontifical, datant lui de 1831, qui permit de relever la chapelle de ses ruines, celle-ci ayant été détruite durant la période révolutionnaire. Il semble que ce fut chose faite dès le mercredi 8 mai 1833, date d’une visite pastorale du vicaire général, Mgr Eugène de Mazenod à Auriol, puisque le procès-verbal fait mention de la chapelle Sainte-Croix, comme d’une chapelle rurale pouvant desservir le culte. Mais plus encore, cette chapelle devint un véritable sanctuaire, puisqu’elle conservait une relique de la « Vraie Croix ». En effet, trois documents épiscopaux, datant respectivement de 1803, 1831 et 1834, nous indiquent que la paroisse d’Auriol possédait alors « une croix de bois doré ayant au milieu une enchâssure avec des verres renfermant une relique du bois de la véritable Croix de notre Seigneur ». De plus, le 1er janvier 1836, le curé d’Auriol recevait la « permission de procéder à des bénédictions avec la relique de la vraie croix, qui est exposée en la chapelle ». Enfin, la paroisse complétait son ornementation des reliques de la Passion, en achetant une reproduction des saints clous, au monastère des Cisterciens de Jérusalem en septembre 1876.
Cyril Gambini
Sources : archives diocésaines, communales et paroissiales
Bruno Carpentier, Auriol en Provence, tome II, 2007, p. 377
AURUOU magazine n°104 décembre 2011